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Sorti de rien – un récit d’Irène Frain

Sorti de rien est une expression communément utilisée par ceux et celles qui méconnaissent la richesse du monde du rien, si cher au cinéaste Ozu. Mu, le rien constant, est l’épitaphe qu’il a choisi. Rien, c’est aussi comme si on vous disait que votre merveilleux jardin occupait désormais une ancienne friche, où il n’y avait rien. Or c’est faire abstraction de la vie souterraine avec ses millions d’animaux transformant la terre et ces milliards de graines qui n’attendent qu’à pousser. C’est aussi balayer d’un revers de main le genius loci. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas les choses, qu’elles n’existent pas.

Irne Frain

Invitée par la bibliothèque Lucien Rose de Rennes, Irène Frain, écrivain et journaliste, converse devant un public de lectrices. Radieuse, lumineuse, elle jongle avec les mots.
Crédit photographique : © 2017 Véronique Samson

 

Sorti de rien, c’est aussi le récit tramé, tissé savamment par Irène Frain. Telle une archéologue, elle fouille la mémoire du lieu, la mémoire familiale. Elle enquête prudemment, soigneusement et rassemble les fragments épars, distillés goutte à goutte par un père taiseux pour reconstituer son héritage, voire corriger une version faussée par la honte et la fierté. Dans une Bretagne peuplée de blancs, de rouges et de noirs, l’auteur nous fait humer la terre humide, le bois et la brume. Elle fait jaillir de la mémoire des personnages forts, qui ont développé une capacité de résilience phénoménale pour faire face aux clivages de l’époque, entre ceux qui vivent sur la bonne rive du Stang Ihuern et ceux du mauvais côté. Irène Frain, porte parole des réprouvés, des exclus, des méprisés, nous livre ici encore un récit sensible, profond et fascinant. Elle nous fait partager ses secrets de famille avec élégance et grâce.

Sorti de rien, Irène Frain – publié au Seuil, 2013

A lire aussi : Les Naufragés de l’île Tromelin, publié chez Lattes, 2009

 

FRANCE INTER : Stéphane Paoli au festival Etonnants Voyageurs

Sur le plateau de France InterDe gauche à droite et de haut en bas :  Michel Le Bris, Frankétienne et Manault Deva, Lyonel Trouillot, Bernard Tavernier. Crédit Photographique :   © 2013 Véronique Samson.

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Anne Nivat, Bertrand Tavernier, Michel Le Bris, Atiq Rahimi, Frankétienne, Lyonel Trouillot, Manault Deva étaient aussi au Festival Etonnants Voyageurs de St Malo. Ils étaient les invités de Stéphane Paoli au Palais du Grand Large sur le plateau de 3D, de France Inter.

Bertrand Tavernier

Bertrand Tavernier présente son livre « Amis Américains » au Festival Etonnants Voyageurs. Crédit photographique :  © 2013 Véronique Samson.

Pour réécouter l’émission 3D

IL PLEUVAIT SANS CESSE SUR TERRE CE JOUR LA !

Juin arrive à grand pas. Les journées sont de plus en plus longues… et les journées glaciales aussi !

En Bretagne, les averses se succèdent à toute vitesse. Hier soir, la grêle était aussi au rendez-vous. Les masses nuageuses courent en tout sens à travers l’éther. Le chauffage chauffe bureaux et maisons, à moins que ce ne soit la cheminée qui offre un peu de chaleur et de vie. La déprime s’installe. Certains achète de la vitamine C pour combler le manque de soleil. Bref, la météo est actuellement au centre des discussions quotidiennes.

St Malo sous la pluie

« Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour là !  » Mais il pleuvait aussi sur St Malo. Crédit photographique : © 2013 Véronique Samson.

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Mais, ceci n’est qu’un avant goût. Lorsque nous aurons enfin réussi à polluer la totalité de la planète Terre, il ne sera plus temps de discuter, ni de se plaindre. Inutile de rêver, Mars n’est pas habitable à moins que vous ne puissiez surmonter les différences de températures qui oscillent entre 10°C et -90°C. Pas d’ozone pour vous protéger, pas d’eau sous forme liquide !

Mais revenons sur terre et soyons raisonnable, afin que nous comprenions que ce soit disant « réchauffement climatique » n’est autre qu’un terrible « dérèglement climatique ». Non, vous n’aurez pas plus chaud dans dix ans. Vous n’aurez que beaucoup plus de rhumatismes ! La goutte ne sera plus au pied mais au nez. Le poème de Prévert pourra être changé par « il pleuvait sans cesse sur Terre cette année là ! » lala lala…

D’ETONNANTS VOYAGEURS DEBOUSSOLES

Au cours des débats littéraires de ce week end, les visiteurs du festival Etonnants Voyageurs ont dû être parfois perturbés voire déboussolés. Et il y a de quoi !

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D’une part, le géographe Cédric Gras nous annonce que le Nord est à l’Est. D’autre part, le scénariste et dramaturge, Jean Claude Carrière avoue qu’il ne sait pas où est l’Orient !

Cartographie ancienneExposition sur la cartographie à l’ENSM de Saint Malo. Portulans, cartes et planisphères du XVIe au XVIIe siècle invitent au voyage. Atlas de Théodore de Bry. Crédit photographique : © 2013 Véronique Samson

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Ecrivain voyageur, Cédric Gras sillonne les régions éloignées de la Confédération de Russie. Il présente son dernier livre édité chez Phébus : « Le Nord est à l’Est – Aux confins de la Fédération de Russie ».  Au cours de ses pérégrinations, il constate que les points cardinaux ne sont pas aussi figés qu’il y parait. Pour beaucoup, s’il fait froid, la région appartient au Grand Nord même s’il s’agit d’une zone située au Sud.

Quant à l’Orient, contrairement à l’Occident, il est plus difficile de le définir. Il existe le Proche Orient, le Moyen Orient et l’Extrême Orient. Alors où est l’Orient dans tout cela, se demande Jean Claude Carrière. Il n’est pas donc pas aisé de comprendre les différences entre le roman en Occident et en Orient, termes génériques qui peuvent regrouper beaucoup de choses.

Par contre, avec ses Nouilles froides à Pyongyang, le journaliste Jean Luc Coatalem  déguisé en agent de voyage, nous promène dans un monde étrange, plein de chicanes, où ce qui est montré, n’est qu’un décor. Bien que ce monde semble en dehors de toute cartographie, là, nous savons bel et bien que nous sommes en Corée du Nord.

GRAINE D’ECRIVAINS

Samedi, le Belem a quitté Saint Malo. Mais, 273 auteurs et réalisateurs de 37 pays différents sont arrivés dans la ville corsaire qui accueille actuellement le festival Etonnants Voyageurs. Cette année, c’est à travers le roman que nous voyageons pendant trois jours mais aussi grâce aux films et aux échanges entre auteurs.

AfficheL’affiche du festival Etonnants Voyageurs de cette année. Crédit photographique : © 2013 Véronique Samson.

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Les rendez-vous proposés sont variés et pour de nombreux visiteurs, les choix sont difficiles. En effet plus de 12 rendez-vous peuvent être affichés simultanément.  Alors, entre « Je » de mémoire, une conférence avec Maryse Conde, Roland Colin, Alain Mabanckou et Boualem Sansal et « Le roman entre Orient et Occident » avec entre autres Jean Claude Carrière et Atiq Rahimi ou bien encore « Hollywood, l’usine à rêve » avec Kevin Brownlow, Michel Le Bris et Bertrand Tavernier, il faut évidement choisir !

Si l’Amérique est à l’honneur avec ses westerns, ses conflits et ses guerres, l’Afrique occupe néanmoins une place importante.

Le festival est aussi l’occasion de récompenser les jeunes plumes. Cinq lauréats du concours de nouvelles « Etonnants Voyageurs » ont reçu non seulement un diplôme mais un chèque allant de 600 à 350 euros. De plus, ils auront l’occasion de participer à une master class afin de peaufiner leur texte. Ceux-ci feront l’objet d’une publication.

Cinq élèves des quatre coins de la France sont sélectionnés parmi plus de 5 000 candidats. Cette année voici les lauréats :

Remise de prix Etonnants Voyageurs

De droite à gauche : 3e prix attribué à Maëlle Tripon, 1er à Juliette Thomas, 2e à Helena Capdevieille, 5e à Alexandre Meyer et 4e à Mathilde Bonnetier. Crédit photographique : © 2013 Véronique Samson

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Alors bon vent à cette graine d’écrivain !

RAY BRADBURY ou le plaidoyer des livres

Ray Bradbury est mort à Los Angeles la semaine dernière à l’âge de 91 ans. Mais qui ne connait pas Ray Bradbury ? C’est bien-sûr l’auteur, entre autres, de Fahrenheit 451.

Ce roman est tiré d’une nouvelle intitulée « Le Promeneur » écrite en 1951. Il s’agit d’un homme arrêté par une voiture-robot. Il est emmené pour subir des analyses cliniques car il marche dans la nuit pour observer la réalité non-télévisée et préfère respirer l’air non-conditionné. Deux ans plus tard, Ray Bradbury reprend donc sa nouvelle et la transforme. Il réutilise aussi ses notes prises sur les pompiers. L’homme devient une femme. Il ne s’agit plus de télévision mais de livres. En neuf jours, son roman Fahrenheit 451 est terminé.

Il imagine une société totalitaire, dans laquelle il est interdit de lire. Ceux qui sont pris, sont incarcérés et les livres sont brûlés. Certains ont choisi de fuir et de vivre dans une forêt. Ce sont les « hommes-livres ». Chaque personne a choisi son œuvre préférée qui est apprise par cœur pour en transmettre le contenu aux générations futures.

Ce sont ces trois éléments qui ont séduit le réalisateur François Truffaut lors d’un diner chez Melville où il est question de science fiction et du roman de Bradbury. En 1961, il lit Fahrenheit 451 ainsi que les autres livres (le Promeneur, Chroniques martiennes…) de Ray Bradbury et un an plus tard il négocie les droits d’adaptation du livre. Il tourne le film en 1966 dans les studios anglais de Pinewood avec Julie Christie (qui a joué dans Docteur Jivago) et Oskar Werner (le personnage de Jules dans Jules et Jim) ainsi que Cyril Cusack. Fahrenheit 451 est le seul film de François Truffaut tourné en langue anglaise et à l’étranger (sauf les scènes du monorail).

François Truffaut filme de manière extraordinaire les livres qui brûlent, se racornissent, se noircissent (*). Les livres sont considérés comme dangereux et pervers, il faut donc les détruire. Montag, le pompier joué par Oskar Werner, découvre pour la première fois une vaste bibliothèque comprenant entre autres les livres de Sartre, Balzac, Queneau, Genet, Dostoïevski, Turgenief, Brontë, Miller…et Les histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe, qu’il sauve des flammes.

les livres

Bibliothèque – Crédit photographique : © 2012 Véronique Samson

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Et oui, qu’espère trouver Montag dans les livres ? Le bonheur ? Pour le capitaine pompier, Montag est un idiot, car dit-il, ce tas de contradictions (les livres) n’est « bon qu’à vous faire perdre la tête ». Et de rajouter : « réfléchissez à cela, il n’y a pas deux de ces livres qui soient d’accord entre eux. Rendez-vous compte à quel point les soit-disantes recettes du bonheur se contredisent les unes les autres et qu’elles portent en elles-mêmes une condamnation sans appel ».

Dans un long monologue, le capitaine tenant Madame Bovary dans les mains, nous apprend que « les romans ne parlent que de gens qui n’ont pas existé, ils donnent à ceux qui les lisent le dégoût de leur propre vie et la tentation de vivre une existence impossible ». Ecrire un livre ne serait dû qu’à la volonté d’un auteur de se distinguer, de pouvoir regarder de haut tous les autres. « Dès qu’un homme l’a lu tout entier (le livre), il se prend supérieur aux pauvres types qui ne l’ont pas lu. Vous voyez, c’est nuisible car il faut que nous soyons tous pareil… Seule l’égalité peut assurer le bonheur de tout le monde, alors il faut brûler tous les livres».

Montag échappe à ce monde infernal, où le travail des pompiers ne consiste plus à éteindre les incendies mais à les allumer pour détruire les livres. Il se retrouve dans une forêt poétique où chaque «homme-livre» apprend son livre préféré par cœur. Ainsi, il rencontre Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Ulysse de James Joyce, En attendant Godot de Samuel Becket, La question juive de Jean Paul Sartre, les Chroniques martiennes de Ray Bradbury….Montag, devenu désormais homme-livre, s’appelle les Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe qu’il apprend par cœur.

En fait, Ray Bradbury développe dans Fahrenheit 451 un thème qui lui est cher et qu’il a déjà abordé dans les Chroniques Martiennes. Dans ce dernier, nous sommes supposés être en avril 2036 dans la ville martienne d’Usher II. Stendhal se venge de Garrett, inspecteur de l' »Ambiance morale ». Vingt ans auparavant alors que Stendhal habitait encore sur la planète Terre, l’autodafé avait déjà eu lieu : … »nous étions quelques citoyens à avoir nos bibliothèques personnelles, jusqu’à ce que vous envoyiez vos hommes avec leurs torches et leurs incinérateurs pour me déchirer mes cinquante mille volumes et les brûler… » .Il s’en suit une brève histoire de cette vengeance dans laquelle Stendhal tue « des personnages éminents, éminentissimes, du premier au dernier, membres de la Société pour la Répression de l’imaginaire, partisants de l’abolition d’Halloween et de Guy Fawkes, tueurs de chauves-souris, brûleurs de livres, brandisseurs de torches ; de bons citoyens, des gens très bien, tous sans exception… ».

Compte tenu du fait qu’en France et en 2012, un grand lecteur est celui ou celle qui lit dix livres par an, la question du livre reste encore bien posée, même si nous ne les brûlons plus. Fahrenheit 451 et les Chroniques Martiennes sont de véritables plaidoyers pour les livres. Toujours d’actualité, Ils continuent à nous faire réfléchir.

(*) fahrenheit 451 correspond à la température à laquelle un livre s’enflamme et se consume.

LA DOUCE, belle comme…

Elle est super canon avec ses jupes latérales, belle non pas comme un camion mais comme une locomotive ! C’est la 12.

la Douce de Francois Schuiten

La nouvelle bande dessinée de François Schuiten consacrée à la « Douce ». Crédit photographique : © 2012 Véronique Samson.

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Dans son nouvel album, François Schuiten nous fait découvrir la « Douce », cette locomotive conçue à l’origine par André Huet et reprise par Raoul Notesse dans les années 1930. Avec ses courbes aérodynamiques, le carénage de cette super locomotive devait répondre à la nouvelle demande de l’époque : la vitesse.

Raoul Notesse réalise alors six exemplaires de la locomotive Atlantic de Type 12 pour les chemins de fer belges. Sortie en 1939, le deuxième exemplaire du bolide (12.002) fend l’air en faisant des pointes à 165 km/h, entrainant avec lui cinq wagons. La vapeur laissant le pas à l’électricité, les locomotives effectuent leur dernier voyage en 1962 et sont tout simplement ferraillées. Seule la 12.004  échappe in extrémis à ce triste sort !

L’histoire écrite et dessinée par François Schuiten, raconte comment Léon Van Bel réussit à sauver cette locomotive, appelée aussi la Douce après la montée des eaux sur le continent. Le changement climatique a transformé les moyens de locomotion. Le transport est devenu aérien et les cheminots se sont reconvertis. Tous sauf un !

François Schuiten nous plonge ici dans l’univers du rail, des cheminots, du charbon et de la vapeur. C’est aussi un monde à la Jules Verne, un monde fantastique fait de ferraille, de cimetières et d’aventures…Mais cette histoire nous plonge aussi dans un monde bien tangible, celui des conséquences du changement climatique et de la montée des eaux !

Ecouter l’émission radiophonique de Kathleen Evin du 23 mai 2012, cliquez ici

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